Les pièges fiscaux à éviter en gestion de patrimoine

5 min de lecture
2 juin 2025 08:00:00

La fiscalité patrimoniale n’a jamais été aussi complexe. Entre la volatilité des dispositifs, les exigences réglementaires croissantes et les arbitrages mal anticipés, un conseil mal calibré peut rapidement devenir une erreur coûteuse. Pour les CGP, chaque recommandation fiscale doit aujourd’hui produire une valeur mesurable, être conforme et surtout traçable.

 

Piège n°1 : mal calibrer l’impact fiscal d’un retrait ou arbitrage

L'erreur fiscale la plus répandue chez les épargnants... est parfois aussi commise par des professionnels mal outillés : ne pas anticiper la fiscalité réelle des retraits.

En particulier :

  • L’assurance-vie qui peut perdre son avantage fiscal si les abattements ne sont pas anticipés (8 ans, 4 600€ ou 9 200€).
  • Le Plan d’Épargne Retraite (PER) dont la fiscalité à la sortie varie selon le mode de versement (capital ou rente) et le type de versement initial (déductible ou non).

Prenons l’exemple du Plan d’Épargne Retraite (PER). À la sortie, les versements déduits sont soumis à l'impôt sur le revenu (en capital ou rente), tandis que les produits sont assujettis aux prélèvements sociaux. Résultat : un client qui débloque 100 000€ à 63 ans, avec 80 000€ de versements déductibles, peut rebasculer dans une tranche marginale à 41%, annulant ainsi en partie le gain fiscal initial. Selon France Assureurs, le PER totalise plus de 92,8 milliards d’euros d’encours en 2024, dont 45 % correspondent à des UC, mais près d’un souscripteur sur trois ignore la fiscalité applicable à la sortie.

Prenons aussi l’exemple de l’assurance-vie et d’un client qui souhaite effectuer un rachat partiel de 40 000€ sur son assurance-vie de plus de 8 ans. Il pense que l’abattement de 4 600€ s’applique sur la totalité du retrait. Or, seule la quote-part d’intérêts est fiscalisée. S’il n’a pas optimisé le mode de retrait, il risque de déclencher 12,8% de prélèvements sociaux + 7,5% d’IR après abattement, soit plus de 2 000€ d’impôt évitable.

C’est ici que les CGP ont un rôle à jouer. Il convient d’intégrer une simulation fiscale multi scénario dans votre conseil, en comparant sortie en capital/rente, options de fractionnement, rachats partiels programmés ou arbitrages internes. Les outils digitaux, notamment de simulation, permettent de démontrer l’intérêt de la stratégie retenue avec des projections chiffrées à l’appui et pour justifier les recommandations.

 

Piège n°2 : négliger les subtilités fiscales des donations et clauses bénéficiaires

Le sujet est récurrent : une donation mal préparée ou une clause bénéficiaire floue peut annuler l’intérêt de l’opération et faire perdre plusieurs dizaines de milliers d’euros à vos clients.

Il existe de nombreuses erreurs courantes parmi lesquelles :

  • Réaliser une donation sans utiliser les abattements renouvelables tous les 15 ans (100 000€ en ligne directe)
  • Oublier les donations déguisées ou indirectes qui peuvent entraîner un redressement fiscal
  • Mal rédiger la clause bénéficiaire dans un contrat d’assurance-vie en négligeant la fiscalité post-70 ans (article 757 B du CGI)

Il convient donc d’intégrer une analyse fiscale complète dans chaque projet de transmission et formaliser toutes les démarches. Le rôle du CGP est ici de sécuriser le cadre juridique et fiscal à travers un parcours structuré, documenté et conforme.

 

Piège n°3 : privilégier la défiscalisation ponctuelle au détriment de la cohérence patrimoniale

Dispositifs Pinel, Girardin industriel, FCPI… Ces outils de défiscalisation attirent souvent par la réduction immédiate d’impôt qu’ils procurent. Mais ils peuvent devenir contre-productifs.

Trop de clients confondent encore défiscalisation ponctuelle et stratégie patrimoniale de long terme. En tant que conseiller patrimonial, vous devez replacer ces dispositifs dans une allocation patrimoniale long terme et rappeler que :

  • Les dispositifs de type Pinel, Girardin ou Madelin comportent des risques (liquidité, requalification…)
  • Une solution fiscale pertinente doit être alignée sur les objectifs globaux : retraite, transmission, besoin de revenus complémentaires, cohérence avec la situation familiale…

À éviter : une proposition de dispositif de défiscalisation sans analyse du profil de risque, de la capacité d’épargne, ni des objectifs familiaux du client.

À valoriser : une approche équilibrée avec un outil permettant de simuler les économies fiscales sur plusieurs années et de les comparer à d’autres options (investissement en démembrement, assurance-vie multisupport, PER…).

 

Piège n°4 : sous-estimer les impacts du régime matrimonial ou de la fiscalité internationale

La fiscalité ne s’applique jamais de manière isolée. Elle s’inscrit toujours dans un cadre civil, matrimonial ou international qui peut transformer une optimisation en risque… si l’ensemble n’a pas été anticipé.

C’est particulièrement vrai dans deux situations :

  • Un client marié sous communauté réduite aux acquêts réalise un achat immobilier seul avec des fonds communs. Il pense qu’il pourra en disposer librement. Or, à la transmission, cette acquisition est juridiquement réputée appartenir pour moitié à son conjoint. L’absence de stratégie patrimoniale en amont peut créer un déséquilibre voire une contestation au moment de la succession.
  • Autre cas typique : un résident fiscal français détient un bien immobilier à l’étranger sans tenir compte de l’existence (ou non) de convention fiscale bilatérale. Résultat : il peut être doublement imposé sur les revenus ou les plus-values, en France et dans le pays d’origine, avec un risque de redressement lourd si la déclaration n’a pas été correctement établie.

Prenons l’exemple d’un client belge résidant fiscalement en France et qui investit dans une SCPI, majoritairement exposée à de l’immobilier situé en Belgique. Sans conseil précis, il peut se retrouver imposé sur les revenus fonciers aussi bien en Belgique qu’en France, sans bénéficier d’un mécanisme de crédit d’impôt suffisant. Un montage via une société civile adaptée ou une sélection de SCPI ciblant des pays à fiscalité neutralisable permet non seulement d’éviter ce frottement fiscal mais aussi d’améliorer le rendement net perçu.

Ces situations exigent une double compétence, civile et fiscale, et une approche intégrée dans l’accompagnement. Le rôle du CGP est ici déterminant : pour identifier les risques et structurer des solutions durables, conformes et alignées avec les objectifs familiaux du client.

 

Piège n°5 : ne pas documenter les choix fiscaux du client

Depuis les évolutions réglementaires (MiFID II, DDA, loi ESSOC), les conseillers doivent prouver que le client a compris et validé les arbitrages fiscaux proposés. Un conseil fiscal n’est plus seulement une recommandation. Il doit être :

  • Justifié
  • Documenté
  • Archivé

Ne pas formaliser la stratégie retenue expose à deux risques :

  • Un risque juridique si un contentieux fiscal survient
  • Une perte de crédibilité en cas de résultats inférieurs à ceux attendus

En tant que CGP, vous devirez générer automatiquement des rapports écrits, contextualisés et archivés, reprenant :

  • Le diagnostic fiscal initial
  • Le rapport d’adéquation incluant une simulation fiscale
  • Les recommandations
  • Le document d’arbitrage validé et signé par le client
  • Un archivage électronique sécurisé (certification horodatée)

 

Pour éviter ces pièges : outillez-vous, structurez, documentez

En 2025, la fiscalité ne se pense plus en périphérie du conseil patrimonial. Elle est au cœur de votre mission de protection et de projection. Bien utilisée, elle devient un outil de valorisation client. A contrario, mal anticipée, elle devient un facteur de désengagement et de contentieux.

Les cabinets les plus performants sont ceux qui ont su intégrer la fiscalité dans un parcours fluide, structuré et documenté.

Dans cette démarche vous devez :

  • Intégrer des outils de simulation fiscale personnalisés
  • Centraliser la donnée client et les préférences dans un CRM patrimonial
  • Produire des livrables automatisés pour chaque arbitrage
  • Vous appuyer sur un workflow de conformité intégré

 

Sécuriser vos stratégies fiscales, c’est protéger vos clients… et votre cabinet

Les pièges fiscaux en gestion de patrimoine sont multiples mais évitables. Maîtriser les pièges fiscaux n’est plus une option. C’est le cœur de votre valeur ajoutée.

En structurant votre accompagnement autour d’un diagnostic rigoureux, d’une documentation solide et d’une pédagogie continue, vous apportez bien plus qu’une solution : vous apportez de la clarté, de la sérénité et de la valeur à vos clients.

Et dans un contexte de complexification réglementaire, cela fait toute la différence !

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